Freaks
Cela faisait longtemps que j'avais envie de parler de Régis Jauffret, mais je ne savais trop comment m'y prendre tant son univers et son écriture sont singuliers. Je viens de dénicher Histoire d'amour à la médiathèque...alors je me lance.
J'ai commencé par Autobiographie, un vrai choc, une lecture réellement éprouvante, mais j'en suis ressortie totalement fascinée.
Ce fut ensuite Asile de fous, cruelle histoire de rupture amoureuse.
Régis Jauffret est tout sauf complaisant avec la nature humaine, c'est l'anti Anna Gavalda par excellence (ce qui n'est pas pour me déplaire...bien au contraire!!!), pas de tarte aux mirabelles qui cuit dans le four, pas de jolies fleurs dans le jardin, pas de sentiments réchauffés au caramel goût guimauve (je sais, je suis méchante).
Chez Jauffret, l'homme est monstrueux, abject, égoïste, violent, sans pitié, misérable, fou, désespéré. Point d'hypocrisie chez ses personnages, aucun faux-semblant, aucun tabou, juste la cruelle vérité.
Microfictions rassemble 500 nouvelles d'une ou deux pages, de A à Z, révélant toutes les facettes -surtout les plus noires et les plus viles- de la nature humaine.
Lacrimosa, le dernier roman de Jauffret, publié l'an dernier, adopte cependant un ton un peu différent. L'horreur lui a fait écrire l'amour : il y "envoie" des lettres à son amie qui vient de se suicider et la fait répondre d'outre-tombe, de manière souvent moqueuse, soulignant la vanité de son entreprise littéraire. C'est une véritable déclaration d'amour, sans pathos ni complaisance, d'une sincérité absolue. Je ne peux m'empêcher de citer ici les derniers paragraphes où c'est Charlotte, son amour suicidé, qui lui écrit :
"Trêve de rimes. Je m'en vais, maintenant. Je m'en vais. Tu m'as fait beaucoup parler, jamais morte n'a à ce point jacassé. On cause toute la nuit, et puis vient l'aube où on se sépare parce que faute de corps on ne fera pas l'amour. On peut mentir, on peut imaginer, mais la chair ne s'invente pas. Il n'est de si bonne compagnie qui ne se quitte, et on s'est quittés depuis si longtemps. Le néant nous sépare, jusqu'au jour où tu le rejoindras.
Tu as fait de moi ce que tu as voulu. Tu as pris la littérature pour un ventre dont je serai l'enfant sauvée des eaux. Pauvre enfant, tu vois bien à présent qu'elle a mis au monde un squelette. J'en avais déjà un, tu aurais pu épargner ta peine.
Tu me diras, que les squelettes traversent intacts les millénaires. De ses os, on peut déduire l'animal, le faire apparaître, le montrer. Quand c'est un homme, on peut même voir la tête qu'il avait au temps où à l'âge de pierre il souriait. Alors, je te pardonne de m'avoir écrite. Et si par hasard en me lisant on pouvait m'apercevoir en train de sourire moi aussi. Ce que je t'ai dit un jour, je te le dirai encore.
-Je suis fière de toi. "